Errer

verbe intrans

Définitions de « errer »

Trésor de la Langue Française informatisé

ERRER, verbe intrans.
A.− Vx, littér. Commettre une erreur, se tromper. Il faut donc savoir trancher les questions, même au risque d'errer (C. Bernard, Introd. ét. méd. exp.,1865, p. 65).Errer étant humain, faillir est véniel (Hugo, Fin Satan,1885, p. 816):
1. Il n'est pas vrai que, pour être dans l'église, il faille nécessairement être en communion de foi avec le pontife romain; et les conciles œcuméniques qui ont défini le contraire, ont erré... Lammenais, De la Religion,1826, p. 180.
B.− Usuel
1. [Le suj. désigne un animé] Aller d'un côté et de l'autre sans but ni direction précise.
a) [En parlant d'un homme, d'un animal ou d'une collectivité] La bête de l'Apocalypse erre maintenant dans la contrée et tout le monde est plein d'agitation (Cendrars, Or,1925, p. 190).Geneviève errait dans les champs, sans but (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 61):
2. D'autres promeneurs couraient, jouaient à travers les avenues, chacun errant à sa guise, conduit seulement par sa libre fantaisie. Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p. 103.
Errer après qqc.Mon amour errait après vos pensées (Verlaine, Œuvres compl.,t. 1, Bonne chans., 1870, p. 101).J'erre après un rêve vague et beau (Mallarmé, Poés.,1898, p. 34).
b) [En parlant d'un attribut de la pers.]
α) [d'une partie de sa morphol.] Jeanne ouvrit le piano, laissa errer ses belles mains sur le clavier (Ponson du Terr., Rocambole,t. 1, 1859, p. 307).Ses doigts [d'Odette] errent partout sur l'intérieur du meuble (Bourget, Drame,1921, p. 29).
β) Au fig.
[d'un phénomène lié à l'esprit, à la pensée] Divaguer, progresser sans retenue, sans discipline. La pensée, l'imagination errent. Je laissais ma pensée errer dans les plaines solitaires (Dumas fils, Dame Cam.,1848, p. 242).Jordan, les yeux au loin, par une des fenêtres, laissait sa songerie errer sous les grands arbres (Zola, Travail,t. 1, 1901, p. 183):
3. Excusez-moi d'errer si loin de l'objet de cette lettre. J'aurai encore bien des choses à vous dire − mais mon quart de dimanche s'exténue, et demain nul loisir. Valéry, Lettres à qq.-uns,1945, p. 96.
Laisser errer sa plume. Donner libre cours à son inspiration. Elle [Alice] (...) laissa errer son crayon, obsédée par la chute musicale de la pluie sur le balcon (Colette, Duo,1934, p. 170).
Laisser errer ses yeux, son regard sur qqc. ou sur qqn. Parcourir quelque chose ou quelqu'un du regard sans fixer son attention quelque part. Les yeux de Cosette erraient vaguement (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 84):
4. Il ne trouvait aucune parole à prononcer, lui si loquace, et, d'instinct, il ôta devant elle son béret. Ses regards hardis seuls le décelaient, et la jeune fille les sentait errer sur elle et s'attacher à sa figure levée comme une brûlante caresse. Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 228.
[d'une manifestation traduisant un état intermédiaire]
[Le suj. désigne un trait de la physionomie : un sourire, une moue] Apparaître brièvement, d'une manière fugace et presque imperceptible. Le sourire des anges tristes errait sur ses lèvres de corail rehaussées par de belles dents (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 30).
[Le suj. désigne une parole] errer sur les lèvres. Être sur le point d'être prononcé sans l'être toutefois. L'aveu a erré sur mes lèvres (Cottin, C. d'Albe,1799, p. 163).Yousouf sentit errer sur ses lèvres quelques représentations qu'il lui fut impossible de formuler (Nerval, Voy. Orient,t. 2, 1851, p. 173).
c) Au fig. Hésiter, tergiverser. ... mais vive La France encore mieux, puisque, sans plus errer, Il faut mourir ou revenir, proie ou convive! (Verlaine, Œuvres compl.,t. 3, Chair, Paris, éd. de Cluny, 1896, p. 128).Elle [Ida] continuait (...) d'errer, sans découvrir le prétexte à alléguer (Estaunié, MmeClapain,1932, p. 237).
2. [Le suj. désigne un inanimé]
a) [Un inanimé mû par un agent extérieur] Être transporté d'un lieu à un autre sans se fixer quelque part.
α) [Un inanimé concr.] Les flocons de neige, glissent, errent et flottent (...) À cet ensemencement se mêle une bise forcenée (Hugo, Homme qui rit,t. 1, 1869, p. 99):
5. On aperçut la pointe du mât (...). Cette pointe erra au haut des roches, et sembla s'y enfoncer. On ne la vit plus... Hugo, Homme qui rit,t. 1, 1869p. 47.
β) [Un inanimé du domaine des sens] Aucun blond parfum n'errait (Colette, Chéri,1926, p. 114):
6. L'officier, impatient, balançait au bout de son bras sa lanterne dont la lumière errait sur d'incompréhensibles décors. Tharaud, Ville et champs,1907, p. 55.
b) [Un inanimé inerte] Être disposé çà et là sans ordre ni organisation. Le charme tout lunaire d'un léger édifice errant parmi les oliviers (Tharaud, An prochain,1924, p. 79):
7. Sur le manteau de la cheminée erraient un rasoir, une paire de pistolets, une boîte à cigares. Balzac, Illus. perdues,1843, p. 280.
Prononc. et Orth. : [ε ʀe] (j')erre [ε:ʀ]. Certains dict. mod. tels que Barbeau-Rodhe 1930 et Warn. 1968 donnent, en outre, la var. : [ε rre]. Plus récemment Dub. note uniquement une prononc. qui tient compte de l'harmonis. vocalique : [erre]. La totalité des dict. plus anc. transcrit [rr]. Cf. Fér. 1768, Fér. Crit. t. 2 1787, Land. 1834, Gattel 1841, Nod. 1844, Littré et DG. Mart. Comment prononce 1913, p. 298, explique le redoublement de [ʀ] ds erroné, errer et erreur par infl. de aberration, errata ou erratique qui sont sav. Enq. : /eʀ/ (il) erre. Le verbe est admis ds Ac. 1694-1932. Conjug. La prononc. avec [rr] conduit à la confusion entre le prés. et le fut., ainsi qu'entre l'imp. de l'ind. et le cond. prés. : nous erronsrr ɔ ̃], nous err(e)rons où le e intérieur est muet [ε rr ɔ ̃]. De même : j'errais [ʒ ε rr ε], j'err(e)rais [ʒ ε rr ε]. Mart. Comment prononc. conseille de ne pas user du fut. et du conditionnel. Étymol. et Hist. 1. Ca 1170 « aller çà et là, sans but précis » moins prob. « être perplexe » (Beroul, Tristan, éd. Muret, 612, v. éd. A. Ewert, t. 2, p. 121), rare av. le xvies. (Amyot, Lyc. 3 ds Littré); 2. 1174-76 « se tromper » (Guernes de Pont-Sainte-Maxence, Saint Thomas, éd. E. Walberg, 4569). Du lat. class. errare « errer, aller çà et là, marcher à l'aventure; faire fausse route, fig. se tromper ». Fréq. abs. littér. : 2 118. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 518, b) 3 040; xxes. : a) 3 159, b) 2 476. Bbg. Gohin. 1903, p. 335. − Guiraud (P.). Le Champ morpho-sém. du mot tromper. B. Soc. Ling. 1968, t. 63, pp. 96-109. − Hagnauer (R.). L'Expr. écrite et orale. Paris, 1972, pp. 262-263. − McMillan (D.). Rem. sur esmer-aimer. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1971, t. 9, p. 213.
Source : CNRTL

Wiktionnaire

Français

Verbe

errer \e.ʁe\ ou \ɛ.ʁe\ intransitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. Vaguer de côté et d’autre ; aller çà et là.
    • Combien de temps encore errèrent-ils ainsi, ballottés sur ces eaux furieuses? — (Jules Verne, Le Pays des fourrures, J. Hetzel et Cie, Paris, 1873)
    • Pour la première fois je vis ici, dans le Koutei, des karbaux (bœufs) qui paissaient dans les champs ainsi que des troupeaux de porcs qui erraient partout. — (Le Tour du monde, Hachette, 1890, volume 60, page 353)
    • Je lui dis de me retrouver chez Prévost dès qu’elle serait libre et tuai le temps jusqu’à ce moment-là, errant comme un chien perdu à travers le labyrinthe de ces quartiers morts de Saint-Michel et de Sainte-Croix. — (François Mauriac, Un adolescent d’autrefois, Flammarion, 1969, page 167)
    • Plutôt que de jouir d'un au-delà béni, l'organe serait aussitôt jeté en pâture à Âmmout, une bête hideuse, dévoreuse de morts. Incapable de ressusciter, l'âme du défunt errerait sans repos sur la Terre, perdue à jamais. — (Laura Thalassa, Les quatre cavaliers, tome 3 : Famine, traduit de l'anglais par Cécile Fruteau, Collection Infinity, 2021, chapitre 24)
    • (Sens figuré)Henri posa son porte-plume sur la table et ses regards errèrent au hasard. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930)
  2. (Sens figuré) Se tromper ; avoir une fausse opinion.
    • Il n’y a personne qui ne puisse errer, qui ne soit sujet à errer.
    • Vous errez dans votre calcul. — Errer dans les principes. Redresser ceux qui errent.
    • M. Georges Gaudion, on en peut juger par cette citation, n’est pas encore tout à fait maître des mots et la nécessité du rythme l’induit à ne pas respecter toujours la syntaxe : en quoi il erre gravement. — (Mercure de France, volume 64, 1906)
    • Il péchait en esprit ; il errait en matière de foi avec une précocité surprenante ; à l’âge où l’on n’a pas encore d’idées, il abondait en idées fausses. — (Anatole France, Les Sept Femmes de la Barbe-Bleue et autres contes merveilleux, 1909)
    • Si je me trompe, laissez-moi errer. — (Colette, Sido, 1930, Fayard, page 36)
    • « L’Écriture ne peut errer. Tu crois. Tu es sauvé. » — (Julien Green, Moïra, 1950, réédition Le Livre de Poche, page 111)

Voir aussi

  • errer sur le Dico des Ados
Source : Wikitionnaire

Littré (1872-1877)

errer

(è-rré) v. n.
  • 1Aller de côté et d'autre, à l'aventure. Errer çà et là. L'humble toit est exempt d'un tribut si funeste ; Le sage y vit en paix et méprise le reste ; Content de ses douceurs, errant parmi les bois…, La Fontaine, Phil. et Bauc. Ces hommes autrefois morts au monde erraient par le désert et dans les villes, Fléchier, Panég. I, p. 391. Tantôt un livre en main, errant dans les prairies, J'occupe ma raison d'utiles rêveries, Boileau, Épit. VI. Il erra cinq à six mois, toujours poursuivi et toujours tranquille, dans les montagnes et les petites îles au nord de l'Écosse, D'Alembert, Éloges, Milord Maréchal.
  • 2 Fig. S'égarer, flotter çà et là. Mais sans errer en vain dans ces vagues propos, Boileau, Sat. IV. Le bonheur de l'impie est toujours agité ; Il erre à la merci de sa propre inconstance, Racine, Esth. II, 9. Son esprit errait d'impiété en impiété, Massillon, Car. Évid.

    Se dit de la pensée, de l'esprit qui ne se fixe pas. Où allez-vous, cœurs égarés ? quoi ! même pendant la prière, vous laissez errer votre imagination vagabonde ? Bossuet, Marie-Thèr. Notre esprit erre sur mille vains objets, Massillon, Myst. Pentecôte.

    Laisser errer, laisser en toute liberté. Laisser errer ses pensées, s'abandonner à ses rêveries, à de vagues méditations. Il laisse errer sans art sa plume et son esprit, Sait peu ce qu'il va dire, et peint tout ce qu'il dit, Delille, Imagin. VI.

  • 3Se tromper, avoir une opinion fausse. Ses chagrins le rendaient pourtant méconnaissable, Un œil indifférent à le voir eût erré, La Fontaine, Filles de Min. Très lourdement il errait en cela, La Fontaine, Cal. Ils n'auront point le malheur d'avoir erré dans la foi, Pascal, Prov. 17. Dont quelques-uns ont pris sujet d'errer contre l'immortalité de l'âme, Pascal, Juifs, 31. La même erreur les fait errer diversement, Boileau, Sat. IV. Si j'avais erré dans ma méthode, Rousseau, Émile, I.

    Absolument. Se tromper dans quelque doctrine. Cet esprit de douceur et de modestie, seul capable de ramener ceux qui errent, Massillon, Myst. Dispos. Si ce grand homme a erré, que ne dois-je pas craindre ? Montesquieu, Esp. XXX, 25. Il est faux que le mufti prétende, comme le grand lama, qu'il ne peut errer ; loin de vouloir persuader qu'il est infaillible, il met toujours au bas de ses réponses et de ses décisions : D'ailleurs il n'y a que Dieu qui ne peut jamais se tromper, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuvres, t. IV, p. 372, dans POUGENS.

HISTORIQUE

XIIIe s. Qui erre contre la foi, comme en mescreance, de lequele il ne veut venir à voie de verité, il doit estre ars [brûlé], Beaumanoir, XXX, 11.

XIVe s. Et pour ce aucuns errent en ceste question, Oresme, Eth. 162.

XVe s. Et cognoissoit lors qu'il avoit erré en beaucoup de passages, Commines, III, 12.

XVIe s. Il alla errant cà et là par le monde, jusques à ce que…, Amyot, Lyc. 3.

Source : Dictionnaire Littré

Étymologie de « errer »

De l’ancien français errer (« errer »), venant du latin errare (« errer, aller çà et là, sans but »)[1].
  • Pour Wartburg, le sens de aller çà et là vient de iterare[2], et le sens de se tromper vient de errare[3].
Source : Wikitionnaire

Provenç. et espagn. errar ; ital. errare ; du latin errare ; grec, ἔῤῥειν ; allem. irren. Il ne faut pas confondre ce verbe avec un autre errer, qui se trouve dans l'ancien français et qui signifie aller, voyager, cheminer : Tant erra qu'il vint en uns prés par delà Andrenople, H. de Valenciennes, XI. ; Les chevaliers qui la menoent, Qui ensemble od li erroent, Si cumanda tuz à rester, Marie de France, I, p. 394. Ce verbe, sous cette forme ou sous celle de oirrer, était très employé ; il vient du bas-latin iterare, voyager (voy. ERRE). Le chevalier errant était, d'après la remarque de Diez, non pas le chevalier qui erre, mais le chevalier qui voyage de pays en pays.

Source : Dictionnaire Littré

Phonétique du mot « errer »

Phonétique Prononciation
\e.ʁe\
France : écouter « errer »
France (Saint-Maurice-de-Beynost) : écouter « errer »
Suisse (canton du Valais) : écouter « errer »
France (Lyon) : écouter « errer »
Source : Wikitionnaire

Fréquence d'apparition du mot « errer »

Source : Google

Traductions du mot « errer »

Langue Traduction
English errer
German fehlerhaft
Spanish errer
Portuguese errar
Italian errante
Dutch errer
Polish errer
Russian errer
Source : DeePL

Synonymes de « errer »

Antonymes de « errer »