Soupirer

verbe

Définitions de « soupirer »

Trésor de la Langue Française informatisé

SOUPIRER, verbe

A. − Empl. intrans.
1. Pousser un, des soupirs. Soupirer faiblement, profondément; soupirer d'aise, de contentement. Harriet ne voulut pas sortir ce jour-là. Son père, la trouvant plus pâle et plus concentrée que de coutume, se garda de la presser, et, en soupirant, s'en alla (Gobineau, Pléiades, 1874, p. 143).Suzanne étirait ses beaux bras en soupirant, pour rompre l'enchantement de l'immobilité (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 232).
P. métaph. On comprend que je ne veuille point louer la philosophie couchée, même quand elle fait voir une subtilité rare, et une rigueur d'expression quasi miraculeuse. En d'autres termes, je n'aime pas des pensées qui se soulèvent à peine et qui soupirent avant l'effort (Alain, Propos, 1929, p. 855).
2. En partic., vieilli. Pousser des soupirs amoureux; éprouver de façon discrète un amour profond et souvent malheureux. Soupirer pour qqn. Il paraît que le mariage était assez éloigné encore (...) les deux jeunes gens eussent encore soupiré longtemps en vain l'un pour l'autre (Dumas père, Mllede Belle-Isle, 1839, iv, 1, p. 67).
3. Soupirer après, pour.Aspirer profondément, ardemment à. Même lorsqu'il est le mieux traité et le plus choyé dans ses voyages à Paris, lorsque chacun le caresse et veut le retenir, Bernardin ne soupire pas moins après sa solitude champêtre; il sent que la vie s'écoule, que ses dernières pages à achever le réclament (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 6, 1852, p. 448):
Il me faut être nu et puis plonger dans la mer, encore tout parfumé des essences de la terre, laver celles-ci dans celle-là, et nouer sur ma peau l'étreinte pour laquelle soupirent lèvres à lèvres depuis si longtemps la terre et la mer. Camus, Noces, 1938, p. 18.
4. [Dans la poésie romant.] Se laisser aller à un lyrisme plaintif. Frère! le temps n'est plus où j'écoutais mon âme Se plaindre et soupirer comme une faible femme Qui de sa propre voix soi-même s'attendrit, Où par des chants de deuil ma lyre intérieure allait multipliant comme un écho qui pleure Les angoisses d'un seul esprit! (Lamart., Œuvres, Recueill., Paris, Gallimard, 1963 [1837], p. 1109).
[Suivi d'un compl. introd. par de] Cependant, si ton cœur soupire De quelque poids mystérieux (Lamart., Œuvres, Nouv. Médit., Paris, Gallimard, 1963 [1823], p. 157).
5. Littér. [En parlant de choses ou d'animaux] Faire entendre des bruits légers et rythmés, des sons mélancoliques et harmonieux. Le vent avec un bruit de musique et de rire Mène sa danse noire, il respire, il soupire (Noailles, Éblouiss., 1907, p. 405).Maintenant, les arbres s'étaient peuplés d'oiseaux. La terre soupirait lentement avant d'entrer dans l'ombre (Camus,, Noces, 1938p. 25).
B. − Empl. trans.
1. Dire faiblement, dans un soupir. Là, en guise de signet, il y avait quelques feuilles de rose éparpillées, à demi desséchées déjà, mais exhalant encore un parfum discret et assourdi, comme l'adieu que Laurence avait soupiré tout à l'heure en s'éloignant (Theuriet, Mais. deux barbeaux,1879, p. 145).Attaché sur la croix, les mains clouées, il ne poussa pas une plainte; seulement, il soupira à plusieurs reprises: « J'ai soif! » (France,Thaïs,1890, p. 110).
2. Littér. Faire entendre des sons légers et mélodieux, exprimer sur un ton plaintif et doux. [D'Arthez] lui dit [à la princesse]: « Sommes-nous maintenant assez amis pour que vous me disiez ce que vous avez souffert? (...) » − Oui, dit-elle en sifflant cette syllabe comme la plus douce note qu'ait jamais soupirée la flûte de Tulou (Balzac,Secrets Cadignan,1839, p. 346).L'instrument datait de 1810, un vieux piano d'Erard (...). Dans la boîte d'acajou dévernie, les cordes soupiraient des sons lointains, d'une douceur voilée (Zola,Joie de vivre,1884, p. 839).
Allons donc! Et puis vous n'êtes pas le premier qui me fasse la cour. Toute femme un peu en vue traîne un troupeau de soupireurs (Maupass.,Contes et nouv.,t. 1, Porte, 1887, p. 1075).
REM.
Soupireur, subst. masc.,rare. Amoureux, celui qui courtise une femme, qui aspire à son amour. Allons donc! Et puis vous n'êtes pas le premier qui me fasse la cour. Toute femme un peu en vue traîne un troupeau de soupireurs (Maupass.,Contes et nouv.,t. 1, Porte, 1887, p. 1075).
Prononc. et Orth.: [supiʀe], (il) soupire [-pi:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Intrans. A. 1. fin xes. « pousser des soupirs sous le coup d'une émotion » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 51: De son piu cor greu suspiret [Jesus]); ca 1188 gérondif (Conon de Béthune, Chans., éd. A. Wallensköld, IV, 2, p. 225: m'en vois sospirant en Surie); 2. 1867 par dérision « péter » (Delvau, p. 454a). B. Fig. 1. ca 1160 « exprimer une peine amoureuse » (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 1204: Amors la [Didon] point, amors l'argüe, Sovent sospire et color müe); id. sospirer d'amor (ibid., 7923); ca 1220 part. prés. subst. soupirant « amoureux » (Lai de l'Ombre, 435 ds T.-L.); 2. 1174-76 « exprimer sa peine, ses regrets par son attitude, sa parole » (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 3249: Encontre saint'iglise, qui grief en suspira, L'onur que vus avez, vus conquist e duna); 3. 1538 souspirer apres [qqn] (Est., s.v. suspirare); 1606 soupirer pour [qqc.] (Régnier, Satires, éd. G. Raibaud, IX, 197, p. 104); 4. 1823 « s'abandonner à un lyrisme plaintif » (Lamartine, Nouv. Méditations poét., XVI, Préludes ds Œuvres, éd. M.-Fr. Guyard, p. 157); 1830 (Id., Harm., p. 317: Au pied de vos troncs immobiles, Colonnes, je viens soupirer). C. 1515-20 « (en parlant d'un inanimé) faire entendre des sons légers ou mélancoliques » (Cl. Marot, Temple de Copido, 4 ds Œuvres lyriques, éd. C. A. Mayer, p. 87: Et son amy Zephyrus les esvente Quand doucement en l'air souspire et vente). II. Trans. A. fig 1. 1380-83 « déplorer, regretter, se lamenter sur » (Gaston Phébus, Livre des Oraisons, éd. G. Tilander et P. Tucoo-Chala, 23, p. 92, 1: soupirant les mauls que mauvaisement j'ay fais); 2. 1551 « chanter sur le mode élégiaque » soupirer un chant [en parlant des Sirènes] (Ronsard, Tombeau de Marguerite de Valois, Ode, 17 ds Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 3, p. 43); 3. 1565 « exprimer sur le mode élégiaque » (R. Belleau, Bergerie, 1rejournée ds Œuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 1, p. 232: Ce berger amoureux va souspirant son dueil); 1842 p. ext. en parlant d'un inanimé (Musset, Poésies nouv., Après la lecture, XI, éd. M. Allem, Paris, Garnier, 1950, p. 158: quand la brise étouffée Soupire au fond des bois son tendre et long chagrin). B. xives. [ms.] « (d'un inanimé) exhaler » (Sydrac, Ars. 2320, VI ds Gdf. Compl.: la terre soupire les froidures). Du lat. suspirare intrans. « respirer profondément, soupirer; soupirer à propos de quelqu'un, après quelqu'un »; trans. « exhaler; soupirer après quelqu'un (suspirare aliquem) ». Fréq. abs. littér.: 2 246. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 610, b) 3 000; xxes.: a) 3 356, b) 3 696. Bbg. Valognes (J.). Les Verbes du désir en français... Thèse, Strasbourg, 1977, pp. 116-122.
Source : CNRTL

Wiktionnaire

Français

Verbe

soupirer \su.pi.ʁe\ intransitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. Pousser des soupirs.
    • Elle soupira en souriant, me jeta un regard de détresse qui signifiait : « Dieu ! que les hommes sont bêtes ! » […]. — (Pierre Louÿs, Trois filles de leur mère, René Bonnel, Paris, 1926, chapitre I)
    • Il contempla son verre où la lumière de la lampe se réfractait et soupira :
      — Nul n'y peut rien!
      — (Francis Carco, Brumes, Éditions Albin Michel, Paris, 1935, page 90)
    • Mon supérieur soupira avec exaspération et ne répondit pas. — (Amélie Nothomb, Stupeur et tremblements, Éditions Albin Michel S.A., 1999, page 10)
  2. (Sens figuré) Désirer ardemment ; rechercher avec passion. — Note : En ce sens, il est ordinairement suivi de la préposition après.
    • Ils soupirent après 1919 et le wilsonnisme. Grand bien leur fasse. On sait ce que les couplets sur la dernière des guerres, le droit des nations à disposer d'elles-mêmes et ce messianisme humanitaire ont donné comme résultats. — (Pierre Hervé, La Libération trahie, éditions Grasset, 1945, page 111)
    • Il y a longtemps qu’il soupirait après cette place, qu’il soupirait après cela.
  3. (Vieilli) Il s’emploie dans le même sens, avec la préposition « pour ».
    • Il soupire pour cette femme.
    • J’ai longtemps soupiré pour vous.
  4. (Vieilli) Il est quelquefois transitif au figuré. (Il n’est d’usage ainsi qu’en poésie.)
    • Soupirer ses peines.
    • Les vers que soupirait Tibulle.
    • Sans doute la beauté qu'Orosmane idolâtre,
      Soupirant son amour, ses combats, ses malheurs,
      Par le seul art des vers eût fait couler nos pleurs.
      — (Gabriel Legouvé, Le mérite des femmes, et autres poésies, Le mérite des femmes ; Ant.-Aug. Renouard, Paris, 1809, page 18)

Anagrammes

→ Modifier la liste d’anagrammes

  • pourries
  • Preurois, preurois
  • ripouser
  • Rupérois, rupérois
Source : Wikitionnaire

Littré (1872-1877)

soupirer

(sou-pi-ré) v. n.
  • 1Pousser des soupirs. Soupirer du fond du cœur. On dit que Mme Guénégaud vous disait : soupirez, soupirez, madame [de Grignan quittant sa mère] ; j'ai accoutumé Moulins aux soupirs qu'on apporte de Paris, Sévigné, 17 mai 1676. Je t'entends soupirer, et je suis sûr que tu soupirais aussi dans ta gloire ; pour moi, je ne soupirais point dans mon tonneau, et je n'ai que faire de soupirer ici-bas ; car je n'ai laissé en mourant aucun bien digne d'être regretté, Fénelon, Dial. des morts anc. (Diogène, Denys l'ancien). Ce pauvre roi [d'Espagne] qui apprenait la prise de Mons par Louis XIV, et, ignorant que cette ville était à lui, disait en soupirant : voilà une grande perte pour le roi d'Angleterre ! D'Alembert, Éloges, l'Abbé de Chois. note 2.

    Fig. et poét. Les siècles, évoqués par ces sons religieux [le bruit des orgues], font sortir leurs antiques voix du sein des pierres, et soupirent dans la vaste basilique, Chateaubriand, Gén. III, I, 8.

  • 2 Fig. Éprouver de la douleur, du regret. Pour quelle cause soupirez-vous donc, âme sainte, âme gémissante, et quel est le sujet de vos plaintes ? Bossuet, Panég. Ste Thér. 2. [Cet empereur] Qui soupirait le soir, si sa main fortunée N'avait par ses bienfaits signalé la journée, Boileau, Épît. I.

    Soupirer que, avoir le regret que. Nous sommes ravis de le voir, et nous soupirons que vous n'ayez point le même plaisir, Sévigné, 492.

  • 3Être amoureux, soupirer d'amour. Qui ne sait combien de mortelles Les [les dieux] ont fait soupirer pour elles ? Malherbe, v, 20. Je soupirais pour vous en combattant pour elle [Albe] ; Et, s'il fallait encor que l'on en vînt aux coups, Je combattrais pour elle en soupirant pour vous, Corneille, Hor. I, 4. Princesse, qui voyez soupirer dans vos fers Un roi qui de son nom remplit tout l'univers, Racine, Poés. div. Ode à la Reine.
  • 4Désirer ardemment. Et les dames avecque vœux Soupiraient après son visage, Malherbe, IV, 5. [Honneurs, plaisirs] Ainsi n'espérez pas qu'après vous je soupire ; Vous étalez en vain vos charmes impuissants, Corneille, Poly. IV, 2. C'est après cette bienheureuse patrie [le ciel] que soupiraient Abraham, Isaac et Jacob, Bossuet, Hist. II, 6. Ils étaient par là semblables à ces Israélites qui avaient soupiré après les oignons d'Égypte, Bourdaloue, Instruct. pour la seconde fête de Pâques, Exhort. t. II, p. 263. Vous voyez un malheureux qui ne soupire qu'après le bonheur de retourner parmi les siens, et de retrouver son père, Fénelon, Tél. III.

    Soupirer pour, même sens. Le soldat tout ainsi pour la guerre soupire, Régnier, Sat. IX. Le jeune homme, inquiet, ardent, plein de courage, à peine se sentit des bouillons d'un tel âge Qu'il soupira pour ce plaisir [la chasse], La Fontaine, Fabl. VIII, 16. La presse n'est pas grande à soupirer pour elle [la charge de Ch. de Sévigné], quoiqu'elle soit propre à faire soupirer, Sévigné, 12 avr. 1680. Mon cœur ne soupirait que pour la renommée, Racine, Alex. III, 6.

    On dit aussi soupirer à, soupirer vers. Que la terre ne nous tienne plus… et jouissons, par un vol généreux, de la bienheureuse liberté à laquelle nos âmes soupirent, Bossuet, Sermons, Ascension, 3. Si elle cesse de soupirer un moment vers sa patrie, elle cesse d'appartenir au siècle à venir, Massillon, Carême, Prospér. temp.

    Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.

  • 5 V. a. Dans le style poétique et élevé. Dire, chanter avec tendresse et mélancolie. Quand le sang, bouillant en mes veines, Me donnait de jeunes désirs, Tantôt vous soupiriez mes peines, Tantôt vous chantiez mes plaisirs, Malherbe, III, 3. Vers les dangereuses langueurs Vous avez une douce pente ; Vous soupirerez des malheurs Dont vous paraissez ignorante, Deshoulières, Poés. t. II, p. 23. Ce n'était pas jadis sur ce ton ridicule Qu'amour dictait les vers que soupirait Tibulle, Boileau, Art p. II. Toi… qui, d'un même joug souffrant l'oppression, M'aidais à soupirer les malheurs de Sion, Racine, Esth. I, 1. L'on sent qu'il n'y a qu'un chrétien qui ait pu soupirer les angéliques amours de Paul et de Virginie, Chateaubriand, Génie, II, III, 7. Ah ! si jamais ton luth [de Byron], amolli par tes pleurs, Soupirait sous tes doigts l'hymne de tes douleurs, Lamartine, Méd. I, 2. Qui de nous, Lamartine, et de notre jeunesse Ne sait par cœur ce chant, des amants adoré, Qu'un soir, au bord d'un lac, tu nous as soupiré ? Musset, à Lamartine.

HISTORIQUE

XIe s. Ne poet muer [qu'il] nen plurt e ne suspirt, Ch. de Rol. CLXXIII.

XIIe s. [Je] N'eüsse pas souspiré en pardon [pure perte], Couci, VI. Tu dis que li regnez encontre ço cria ; E la mere le rei le desamonesta, Saint iglise de tant com pout en suspira, Th. le mart. 88. E li prince e li veillart [vieillards] suspirerent, Machab. I, 1.

XIIIe s. Por li [ma dame] m'en vais souspirant en Syrie, Quesnes, Romanc. p. 93. Quant li rois l'oï ensi parler, si pensa un poi, et souspira, Chr. de Rains, 206. À chief de piece [à la fin] revendras En ta memoire, et tressaudras Au revenir en effraor, Ausinc cum hons qui a paor, Et souspirras de cuer parfont, la Rose, 2305. Quant li amans plaint et sospire, Et est en duel et en martire, ib. 2661.

XVIe s. Et les forts vents qui parmi l'air souspirent, Marot, IV, 311. Les nouvelles qui viennent de si lointain pays, avant qu'elles soient rendues sur le lieu, où elles soupirent [s'éventent] comme le safran, Despériers, Contes, I. Comme une belle et jeune fiancée, De qui l'amour resveille la pensée, Souspire en vain son amy nuit et jour, Ronsard, 696. …Mais soupirerent un chant De leurs gorges non pareilles, Ronsard, Odes, v. 3.

Source : Dictionnaire Littré

Étymologie de « soupirer »

Du latin suspirare.
Source : Wikitionnaire

Provenç. sospirar ; espagn. suspirar ; ital. sospirare ; du lat. suspirare, de susum, en haut, et spirare, souffler.

Source : Dictionnaire Littré

Phonétique du mot « soupirer »

Phonétique Prononciation
France : écouter « soupirer [su.pi.ʁe] »
France (Lyon) : écouter « soupirer »
Source : Wikitionnaire

Fréquence d'apparition du mot « soupirer »

Source : Google

Traductions du mot « soupirer »

Langue Traduction
English sigh
German seufzen
Spanish suspiro
Portuguese suspiro
Italian sospiro
Dutch zucht
Polish westchnienie
Russian вздох
Source : DeePL

Synonymes de « soupirer »

Antonymes de « soupirer »